j'aime les filles

Les passantes

Je veux dédier ce poème
À toutes les femmes qu'on aime
Pendant quelques instants secrets,
À celles qu'on connaît à peine,
Qu'un destin différent entraîne
Et qu'on ne retrouve jamais.

À celle qu'on voit apparaître
Une seconde, à la fenêtre,
Et qui, preste, s'évanouit,
Mais dont la svelte silhouette
Est si gracieuse et fluette
Qu'on en demeure épanoui.

À la compagne de voyage
Dont les yeux, charmante paysage,
Font paraître court le chemin;
Qu'on est seul peut-être à comprendre,
Et qu'on laisse pourtant descendre
Sans avoir effleuré la main.

À celle qui sont déjà prises,
Et qui vivant des heures grises
Près d'un être trop différent,
Vous ont, inutile folie,
Laissé voir la mélancolie
D'un avenir désespérant.

Chères images aperçues,
Espérances d'un jour déçues,
Vous serez dans l'oubli demain;
Pour peu que le bonheur survienne,
Il est rare qu'on se souvienne
Des épisodes du chemin.

Mais si l'on a manqué sa vie,
On songe, avec un peu d'envie
À tous ces bonheurs entrevus,
Aux coeurs qui doivent vous attendre,
Aux baisers qu'on n'osa pas prendre,
Aux yeux qu'on n'a jamais revus.

Alors, aux soirs de lassitude,
Tout en peuplant sa solitude
Des fantômes du souvenir,
On pleure les lèvres abscentes
De toutes ces belles passantes
Que l'on n'a pas su retenir.


Antoine Pol - Georges Brassens
1960/1962 (disque philips 6499-786)

photo JeanFrançois Jonvelle : fou d elles


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